Hier nous étions le
24.
Une petite histoire
pour mieux appréhender l’importance de chaque jour
à venir.
Hier nous étions le 24. Le mois importe
peu, chaque mois comporte un 24. L’endroit importe
peu, beaucoup de rues comportent un numéro 24.
Aujourd’hui nous sommes le 25 ; C’est un jour
comme les autres. Le jour importe peu. Les jours importants
dans notre société sont, pour ceux qui travaillent,
le lundi et le vendredi. Pour les autres, les jours
importent peut Sauf pour les retraités qui préfèrent
les mercredis et les samedis. Ce sont également les
jours préférés des enfants. Les catholiques pratiquants
attendent souvent le dimanche pour se débarrasser
de leur trop plein de mauvaise conscience ou pour
être gentil au sens large avec leurs contemporains
nécessiteux. Ils sont parfois sincères. Si, si, c’est
rare mais ça existe. Les chômeurs attendent le jour
du versement de l’Assedic. Le jour importe peu. L’important
c’est le versement. En général, le lundi ça va « comme
un lundi ». Pas la peine d’en ajouter! Le mardi,
ma foi, c’est mardi. Rien à dire sur mardi. Le mercredi
on engueule les enfants, le soir, pour les préparer
à la vie d’adulte et parce que çà n’est pas normal
de gaspiller son temps dans des jeux idiots pendant
que les parents, eux, travaillent. Mais ça reste le
« jour des enfants ».
Le jeudi, c’est comme le mardi mais avec un soupçon
d’optimisme en plus, comme il restait un soupçon de
pessimisme en plus le mardi (à cause du lundi) !
Je ne sais pas si je suis bien clair. Cela n’est pas
grave. Rien de plus à dire sur jeudi.
Le vendredi ! Ah le fameux vendredi ! Le
merveilleux jour ! Le vendredi, bien que marquant
la fin de la semaine ouvrée, est reconnu pour ses
qualités d’ouverture. Il est devenu par un habile
glissement des us et coutumes collectifs non pas une
fin mais un début. Le début du week-end ou en bon
français : « fin de semaine ». Le vendredi,
c’est le début de la fin. On ne dit pas le vendredi :
« As-tu passé une bonne semaine ? »,
on dit : « Bon week-end et à lundi !
».
Le samedi est enfin arrivé. On l’a attendu toute la
semaine. On l’a préparé. Parfois on a même mis par
écrit la liste des réjouissances : Les petits
travaux dans la maison, la pêche, le jardinage, un
repas chez les copains... Puis au bout du compte,
le samedi, on fait les courses. Et la liste des petits
riens qui font plaisir et améliorent la vie de chaque
jour s’allonge de samedi en samedi.
Le dimanche est déjà là, et c’est la fin de la fin,
autrement dit la fin du week-end. En général le dimanche
on ne fait rien. Non pas par manque de motivation
ou d’occupation, mais simplement par habitude. A la
rigueur on voit la famille, parfois par plaisir, souvent
pour faire plaisir. Le Français moyen ne fait rien
le dimanche un peu par tradition beaucoup par flemmardise.
De plus, le spectre du lundi plane au-dessus du téléviseur
que l’on regarde d’une oreille distraite depuis le
canapé, tête penchée en avant dans l’attitude du penseur
en apesanteur dans ses vapeurs de digestifs dimanchaprèmidiens.
Le spectre est là. Il ouvre grand ses bras munis de
doigts tentaculaires en forme de réseaux ferrés et
de bretelles d’autoroutes bouchées pour mieux vous
saisir et vous jeter dans le glauque marigot de la
semaine de travail. Et toujours cette mauvaise odeur
de gas-oil qui flotte dans son sillage ! Vous
pensez que ce cauchemar va bientôt s’interrompre,
que vous allez vous éveiller d’un instant à l’autre
et qu’elle sera là . . .
Et justement, c’est le moment. Le réveil sonne. Tonitruant !
Le réveil sonne et c’est lundi. C’est fou comme le
temps passe. Nous sommes déjà le 26.
Hier nous étions le 25. Le mois importe peu, chaque
mois comporte un 25. L’endroit importe peu, beaucoup
de rues comportent un numéro 25.
Aujourd’hui nous sommes le 26 ; C’est un jour
comme les autres. Le jour importe peu. Le jour importe
peu. Le jour importe peu !